Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/356

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que j’éprouve ?… Je vous aime, Phœbé, je vous aime de toute mon âme !

— Comment pouvez-vous aimer cette simple enfant que je suis ? demanda Phœbé que cet élan passionné contraignait à répondre… Vous avez bien des pensées auxquelles, malgré tous mes efforts, je ne saurais m’associer. Et moi,… moi aussi,… j’ai des instincts qui vous sont tout aussi peu sympathiques… Ceci pourtant est le moindre obstacle… Mais je n’ai pas assez d’esprit, assez d’intelligence pour vous rendre heureux.

— Je ne vois de bonheur possible qu’en vous, répondit Holgrave. Je ne puis croire qu’à celui dont vous disposez !

— C’est égal, j’ai peur ! continua Phœbé qui, même en lui faisant l’aveu sincère de ses doutes, s’inclinait vers lui par un irrésistible entraînement… J’ai peur de me laisser conduire par vous en dehors de mon paisible sentier… Je m’efforcerai, je le sens, de vous suivre sur ces hauteurs où n’existe nulle trace humaine… Et ceci m’est impossible… Ma nature même s’y refuse… Savez-vous bien que je mourrai à la peine ?…

— Ah, Phœbé ! s’écria Holgrave, qui se laissa presque aller à soupirer tout en souriant d’un air pensif, les choses se passeront tout autrement que vous ne le prévoyez… Ce sont les malheureux qui poussent le monde en ayant et président aux évolutions de son avenir. L’homme satisfait, au contraire, se cantonne inévitablement dans les limites anciennes et ne suit que les chemins frayés… Je prévois que dorénavant mon lot sera de planter des arbres, d’élever des barrières — peut-être même, avec le temps, de bâtir une