Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/56

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comme vous dites ; je ne crois pas qu’elle profite beaucoup… Le temps des boutiquiers est passé ; on ne fait plus rien dans aucun commerce ni dans aucun métier… J’en sais quelque chose, moi qui vous parle ; ma femme a tenu pendant trois mois une boutique à deux sous sans autre résultat qu’une perte de cinq dollars sur sa mise de fonds.

— Pauvre spéculation ! reprit Dixey, qui semblait secouer la tête…. Pauvre spéculation, sur ma parole ! »

Pour un motif ou pour l’autre, — et nous ne nous chargerions pas volontiers d’analyser ce motif, — la conversation ci-dessus avait produit chez Hepzibah une angoisse de cœur dont l’amertume lui était encore inconnue, malgré tout ce qu’elle avait déjà souffert. Le témoignage porté contre « sa grimace » avait une importance effrayante ; il plaçait devant elle sa propre image qui lui semblait hideuse, ainsi dépouillée absolument de tous les prestiges de la vanité. Par une inconséquence absurde, elle se sentait blessée du peu d’effet que semblait produire sur la communauté — dont ces deux hommes, après tout, devaient interpréter fidèlement les impressions, — le fait, énorme à ses yeux, d’une boutique montée par elle. Un regard, trois ou quatre mots lancés au hasard, un rire brutal, et, au détour de la rue, ces deux manants avaient déjà cessé de s’en occuper. Ils n’avaient aucun souci de sa dignité, aucun souci de sa dégradation… Venait ensuite cette sinistre prophétie, dictée par l’infaillible sagesse de l’expérience, et qui tombait sur son espoir à demi défunt comme une motte de terre dans la fosse encore ouverte. — La femme de ce manant avait