Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/71

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nonobstant tous les sourires qu’il lui conviendra d’arborer, personne ne doutera que Jaffrey est le vieux Pyncheon lui-même, revenu dans ce bas monde… Il s’est déjà montré capable de fonder une race nouvelle ; — peut-être est-il également capable d’attirer sur cette race une nouvelle malédiction ! »

C’est ainsi qu’Hepzibah se laissait ensorceler par ces fantastiques images de l’ancien temps. Dans la vieille maison qu’elle habitait seule, sa cervelle moisissait comme les charpentes vermoulues. Sans la promenade méridienne qu’elle faisait chaque jour dans la rue, elle aurait peut-être vu sa raison s’altérer et se perdre.

Par la puissance magique du contraste, un autre portrait se dressait devant-elle, plus flatté qu’aucun artiste n’aurait osé le faire, mais si délicatement touché, cependant, que la ressemblance demeurait parfaite. La miniature dont nous avons déjà parlé, — miniature signée « Malbone, » — bien que le même original eût posé devant ce peintre, — était bien inférieure à la chimérique effigie qu’Hepzibah retrouvait dans son imagination, assaillie par mille souvenirs affectueux et tristes. C’était une douce et sereine figure, aux lèvres vermeilles et pleines, saisies au moment d’un sourire prêt à venir et qu’annonçait, en le précédant, le rayonnement de deux prunelles tout à coup imbues d’une lumière joyeuse ; traits féminins adaptés à un visage d’homme ! De plus, la miniature avait cette particularité de faire constater la ressemblance de l’original avec celle qui lui avait donné le jour, et de rappeler que cette mère charmante, aimée de tous, avait peut-être dû sa principale puissance d’attraction à je ne sais quelle faiblesse native qui semblait lui prêter une beauté de plus.