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CONTES ÉTRANGES

ses draps, que son lit est bien froid et tristement solitaire.

— Ma foi ! non, se dit-il en s’enveloppant le mieux qu’il peut, je ne coucherai pas seul une seconde nuit.

Dès le matin, notre homme se lève plus tôt qu’il n’en a l’habitude, et, la tête dans ses mains, réfléchit sur sa bizarre situation. Tel est le vagabondage de sa pensée, qu’il a pris ce singulier parti sans dessein arrêté et sans qu’il puisse seulement se rendre compte de ce qu’il a prétendu faire. Le vague de son projet et la précipitation fébrile avec laquelle il l’a mis à exécution sont également l’indice certain de la faiblesse de son esprit. Cependant Wakefield se livre aussi scrupuleusement qu’il lui est possible à l’examen de ses propres idées, et le résultat de cette investigation est qu’il éprouve une certaine curiosité de savoir ce qui se passe chez lui, comment son excellente femme endurera son veuvage d’une semaine ; enfin comment la sphère de créatures et de circonstances qui l’entoure en temps ordinaire peut être impressionnée par son absence, toutes conjectures produites par un sentiment maladif de vanité.

Mais comment pouvait-il atteindre ce but ?

Ce n’était certes pas en s’enfermant dans son nouveau logement ; bien qu’une seule rue le séparât de sa maison, il en était aussi loin que s’il eût réellement pris la diligence et voyagé toute une nuit. Sa pauvre cervelle retourna vingt projets avant d’en trouver un qui lui parût convenable. Enfin il prit un moyen terme et décida qu’il irait jusqu’à l’angle de sa rue, jeter un furtif coup d’œil sur le toit abandonné. L’habitude — car il était homme d’habitude par ex-