Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/193

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queues, et à présenter leurs têtes aux caresses des nouveaux venus, comme font les chiens bien dressés quand ils désirent exprimer leur plaisir à la vue de leur maître ou des amis de leur maître. Le plus gros lion se mit à lécher les pieds d’Eurylochus. Quant aux autres lions, aux loups et aux tigres, ils s’adressèrent chacun à un de ses compagnons isolément en le caressant à sa manière.

Malgré ces affectueuses démonstrations, Eurylochus crut distinguer quelque chose de farouche et de cruel dans le regard de ces animaux. Il s’attendait presque à tout moment à se sentir déchirer par les terribles dents du lion, à voir chacun des tigres et chacun des loups s’élancer à la poitrine de l’homme auquel il prodiguait de préférence ses gracieusetés, bref à être témoin d’un égorgement général. Leur douceur lui faisait l’effet d’une feinte hypocrisie ; mais ce qui, pour lui, subsistait de plus réel, c’était leur nature sauvage, c’étaient leurs crocs et leurs griffes.

Malgré ces appréhensions, la troupe traversa sans accident la pelouse entière, toujours en compagnie des bêtes féroces qui folâtraient gracieusement. Cependant, au moment où les nouveaux hôtes du palais montèrent les degrés du perron, vous auriez pu entendre un grognement sourd, particulièrement de la part des loups, qui se disaient probablement que c’était dommage, après tout, de laisser ainsi