Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/280

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d’aucune fleur, de crainte que leur beauté ne réjouît le cœur d’un mortel.

Depuis lors, pas la moindre asperge ne se hasarda à poindre hors du sol sans la permission spéciale de Cérès ; et il vous est possible de comprendre quelle désolante calamité avait frappé la surface de la terre. Les agriculteurs labouraient et plantaient comme à l’ordinaire ; mais les sillons tracés dans les campagnes les plus riantes et les plus fécondes demeuraient stériles à l’égal des déserts de sable. Les pâturages restaient aussi arides durant le délicieux mois de juin qu’ils l’étaient au milieu des frimas de novembre. Les vastes propriétés de l’homme opulent, comme l’étroit jardin du villageois, furent frappés du même décret impitoyable. Si les petites filles se plaisaient à cultiver leur parterre, elles n’y voyaient plus que des tiges mourantes et desséchées. Les vieillards s’en allaient secouant la tête, en disant que la terre était soumise, comme eux, aux effets de l’âge, et voyait disparaitre de sa face les sourires animés du printemps. Le cœur se brisait à la vue des troupeaux affamés de bœufs et de moutons qui suivaient Cérès en mugissant et en bêlant, comme si leur instinct leur apprenait que d’elle seule leur devait venir du secours. Quiconque était instruit de son pouvoir la suppliait d’avoir pitié de la race humaine, et au moins de laisser croître l’herbe. Mais celle-ci, mal-