Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/39

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plus qu’à déposer entre les mains d’Égée un cœur trop plein et succombant à l’émotion. Médée, d’un seul coup d’œil, vit ce qui se passait dans l’esprit du pauvre Égée. La malice et la ruse de la magicienne n’avaient jamais été poussées si loin. Sa science fatale (je frémis en vous le racontant) lui inspira le moyen de donner une apparence criminelle à cette émotion, à ce silence si plein d’amour.

« Votre Majesté voit-elle son embarras ? souffla-t-elle à l’oreille du roi. Il a la conscience tellement troublée, qu’il tremble et ne peut proférer une parole. Le misérable a respiré trop longtemps ! Vite ! offrez-lui la coupe ! »

Égée avait dirigé un regard attentif sur le jeune homme, au moment où celui-ci s’était approché du trône. Il trouvait dans ce front blanc et uni, dans cette bouche gracieuse et expressive, dans ces yeux tendres et beaux, un je ne sais quoi qui semblait lui rappeler un souvenir vague, comme s’il eût existé certains rapports entre les traits de cet étranger et ceux d’un petit enfant jadis caressé sur ses genoux. Mais Médée devina encore le trouble qui se produisait dans l’esprit de son époux, et ne voulut pas lui laisser le temps de céder à ce mouvement de curiosité et d’attendrissement. C’était bien la voix de la nature et du cœur qui criait à Egée :

« C’est ton enfant, c’est le fils d’Éthra qui vient réclamer son père. »

L’enchanteresse murmure de-