Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/87

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tête de côté, ils grimpaient intrépidement jusqu’à la bouche ; et c’étaient des éclats de rire interminables, si ce gouffre s’entr’ouvrait et faisait semblant d’en vouloir happer une cinquantaine à la fois. Vous vous seriez bien divertis à voir des troupes d’enfants aller et venir en folâtrant entre ses cheveux, ou jouer à la balançoire dans les poils de sa barbe. Il n’est pas possible de vous raconter tous les amusements qu’ils se permettaient avec leur gigantesque camarade ; je n’en citerai qu’un, le plus curieux selon moi : souvent une bande de petits garçons faisaient des courses sur la plate-forme de son front, et se défiaient à qui accomplirait le plus tôt le tour de son œil immense. L’exercice gymnastique le plus en vogue parmi eux consistait à gravir la proéminence de son nez, et à sauter de là, comme du haut d’un pont, sur la lèvre supérieure.

Si nous voulons parler avec franchise, ils étaient parfois aussi ennuyeux pour le géant qu’aurait pu l’être une réunion de fourmis ou de cousins, spécialement quand il leur prenait la malicieuse envie de piquer sa peau avec leurs petites lances ou leurs petits sabres, pour en éprouver l’épaisseur et la dureté. Mais Antée se prêtait avec bienveillance à toutes ces espiègleries. De temps en temps il lui arrivait bien, s’il s’assoupissait, de grommeler quelques mots qui résonnaient comme une tempête lointaine, et de les inviter à terminer leurs folies.