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apparaître comme un acte de foi ; ce ne fut qu’une banale « formalité administrative », remplie, en toute indifférence d’esprit, par un parfait incrédule. L’individualisme, un individualisme de poète, fantasque et bondissant, fut à toute époque la marque distinctive de Heine : il est à la base de son génie poétique, aussi bien que de ses défaillances morales.

Le père du poète, Samson Heine, était un négociant en velours, aimable, spirituel et, dit-on, frivole, qui vécut à mi-chemin de l’aisance et de la fortune. Sa mère, « femme distinguée » et qui lisait Rousseau, se nommait Elisabeth van Geldern. Il fut l’aîné d’une sœur et de deux frères et grandit, avec eux, dans l’orthodoxie juive.

Après avoir appris à lire, à écrire et à « se tenir assis en silence » dans le couvent des Franciscains de Dusseldorf, où était installée une école, le jeune Henri Heine fut mis au gymnase local, qui venait justement de recevoir le nom tout neuf de lycée. Il y passa par toutes les classes où l’on enseignait les humanités, se distinguant surtout dans la classe supérieure où un prêtre catholique le recteur Schallmayer, lui enseigna la philosophie et un autre prêtre, l’abbé D’Aulnoie, la rhétorique et la littérature française. Il conserva toujours à ses maîtres un reconnaissant souvenir, mais c’est, si nous l’en devons croire, un humble soldat français qu’hébergea longtemps son père, c’est le tambour Legrand qui fit de lui, bien plus que ses professeurs du lycée, un homme passionnément moderne. Ce vieux de la vieille lui apprit la Marseillaise et, grâce à lui, l’épopée républicaine et l’épopée impériale se logèrent, toutes ronflantes, dans sa petite cervelle enthousiaste et frémissante. Les leçons héroïques du tambour Legrand, Heine ne les oubliera pas. Elles lui inspireront le lied fameux des Deux Grenadiers, ce chef-d’œuvre de la « littérature napoléonienne » ; mais