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des convoitises familiales, « après un examen privé et une thèse publique où le célèbre Hugo, alors doyen de la Faculté de jurisprudence, ne me fit pas grâce de la formalité scolastique. » Trois semaines plus tôt, dans la petite église d’Heiligenstadt, près Gœttingue, il avait abjuré la religion de sa race, mais comme le dit M. Bossert, « son incrédulité native était sortie indemne de l’eau du baptême. » Cette conversion avait vraisemblablement pour but de permettre à l’auteur de l’Intermezzo l’accès du service de l’État, peut-être même de la diplomatie. Mais un événement capital allait, dès l’année d’après, déranger ces brillants desseins : cet événement, c’est la publication, à Hambourg, du premier volume des Reisebilder.

En quelques semaines, Henri Heine fut célèbre. Les Reisebilder étaient un livre tel qu’aucun littérateur allemand n’en avait encore écrit : un livre étrange et pourtant simple et humain, décousu et pourtant harmonieux, fait de souvenirs, de confidences, de rêveries, de paysages et de boutades, où l’imagination pittoresque de Heine, sa sensibilité profonde, son ironie mélancolique se donnent toute carrière ; un livre qui le mettait à l’avant-garde, non seulement de la jeune littérature allemande, mais de la Jeune Allemagne elle-même parce que chacune de ses pages était un défi à la tyrannie et un appel à l’émancipation.

La destinée de Heine était tracée : il était, et il restera homme de lettres. Après le premier volume des Reisebilder, il donna successivement, dans un délai de quatre années, un recueil de ses poésies complètes, sous ce titre : le Livre des Chants, et trois nouveaux volumes de Reisebilder. Ce mot signifie Tableaux de voyage, et en effet, Heine à cette époque, véritable Juif errant, courait incessamment le monde. Il se rend d’abord en Angleterre où l’ennui le saisit, aiguisé encore par ses préventions françaises. On le trouve ensuite à