Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/204

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« Abraham a mis au monde avec Léa un marmot ; il s’appelle Félix, qui a fait son chemin dans la chrétienté, il est déjà maître de chapelle.

« La vieille Karschin est morte ; la Klenke, sa fille, est morte aussi ; Helmine Chezy, sa petite-fille est encore en vie, à ce que je crois.

« La Dubarry a mené joyeuse vie tant que Louis régna, Louis XV bien entendu ; elle était déjà vieille quand on l’a guillotinée.

« Louis XV est mort bien tranquillement dans son lit. Pour Louis XVI, il a été guillotiné avec la reine Marie-Antoinette.

« La reine Marie-Antoinette, lorsqu’on la guillotina, montra un grand courage, comme cela devait être. Mais la Dubarry se mit à pleurer et à jeter les hauts cris quand on la guillotina. »

L’empereur arrêta tout à coup ses pas, me regarda fixement, et dit, tout effrayé : « Pour l’amour de Dieu, qu’est-ce donc que ça guillotiner ? »

« Guillotiner, lui expliquai-je, c’est une nouvelle méthode par laquelle on fait passer de vie à trépas les gens de toute condition.

« Dans cette nouvelle méthode on se sert aussi d’une nouvelle machine qu’inventa M. Guillotin, d’où lui vient le nom de guillotine.

« On t’attache sur une planche qui s’abaisse ; vite, on te glisse entre deux poteaux ; tout en haut est suspendu un couperet triangulaire.

« On tire une ficelle, le couperet glisse et tombe tout gentiment, tout gaiement. Dans cette occurrence, ta tête tombe dans un sac. »

L’empereur m’interrompit : « Tais-toi, je ne veux rien savoir de ta machine. Dieu me préserve des inventions de ton M. Guillotin !

« Le roi et la reine ! liés ! liés sur une planche ! mais c’est contre tout respect, contre toute étiquette !