Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perte ! Je parie que Campe eût perdu plus volontiers tout un tas d’écrivains !…

La population de l’État de Hambourg consiste, de mémoire d’hommes, en juifs et en chrétiens ; ces derniers n’ont pas non plus l’habitude de donner rien pour rien.

Les chrétiens sont tous des négociants assez solides ; ils aiment également à manger des plats solides, et ils paient exactement leurs lettres de change, même avant le dernier jour de grâce.

Les juifs se divisent pour leur part, en deux partis dissidents ; les anciens vont à la synagogue ; les néo-juifs donnent à l’église où ils vont le nom de temple.

Les néo-juifs sont très éclairés et mangent du porc ; les anciens sont superstitieux, ils ne croient pas au Saint Esprit et détestent le cochon.

J’aime les uns et les autres, — mais je jure par les dieux éternels de l’Olympe, que j’aime encore mieux certains délicieux petits poissons qu’on nomme crevettes fumées.


23

En tant que république, Hambourg n’a jamais été aussi puissante que Venise et Florence ; mais Hambourg a de meilleures huîtres. Les meilleures sont celles de la taverne de Lorence.

Ce fut un beau soir que celui où je m’y rendis avec Campe. Nous voulions nous mettre en goguette avec des huîtres et du vin du Rhin.

Nous y trouvâmes bonne société ; j’y revis avec joie maints vieux camarades, par exemple Chaussepié, et maints nouveaux frères.

Là était Wille, dont le visage balafré est un album où ses ennemis d’université se sont à tout jamais inscrits en caractères ineffaçables.

Là était Fucks, un païen, un ennemi intime du bon Dieu. Il ne croit qu’en Hegel, et peut-être encore à la Vénus de Canova.