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LE LIVRE DES CHANTS




PRÉLUDE[1]

C’est l’antique forêt aux enchantements ! On y respire la senteur des fleurs du tilleul ! Le merveilleux éclat de la lune remplit mon cœur de délices.

J’allais, et, comme j’avançais, il se fit quelque bruit dans l’air : c’est le rossignol qui chante d’amour et de tourments d’amour.

Il chante l’amour et ses peines, et ses larmes et ses sourires ; il jubile si tristement, il se lamente si gaîment que mes rêves oubliés s’éveillent !

J’allais, et, comme j’avançais, je vis se dresser devant moi, dans une clairière, un grand château à la haute toiture.

Les fenêtres étaient closes, et tout, à l’entour, était empreint de deuil et de tristesse ; on eût dit que la mort taciturne habitait dans ces tristes murs.

Devant la porte était un sphinx, un être à la fois effrayant et délicieux : le corps et les pattes d’un lion, la tête et les seins d’une femme.

Une belle femme ! Son regard exprimait de sauvages désirs ; un sourire prometteur arquait ses lèvres muettes.

  1. Écrit en février 1839 pour la troisième édition allemande du Livre des Chants. (Note des éditeurs)