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C’est étrange comme cet idiome d’ours me semble connu ! N’aurais-je pas dans ma chère patrie entendu déjà ce langage ?


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Roncevaux, noble vallée, lorsque j’entends résonner ton nom, il me semble que s’ouvre dans mon cœur la fleur bleue des souvenirs légendaires.

La vieille chevalerie surgit, brillante de jeunesse, après un sommeil de mille ans ! Les Esprits me regardent fixement avec leurs grands yeux, et j’ai peur.

J’entends le bruit du fer, le tumulte des batailles : — ce sont les preux chrétiens qui combattent les Sarrasins. — Comme le cor de Roland jette un appel douloureux, désespéré !

C’est dans la vallée de Roncevaux, non loin de la Brèche de Roland, ainsi nommée parce que le héros, pour se frayer un chemin de retraite, trancha le rocher avec sa bonne épée Durandal, de telle façon qu’il en porte encore les traces aujourd’hui ;

C’est dans cette vallée, dis-je, au fond d’une sombre crevasse défendue par un épais fourré de pins sauvages, qu’est cachée à tous les yeux la caverne d’Atta Troll.

C’est là qu’au sein de sa famille il se repose des fatigues de sa fuite et des tribulations de sa vie errante.

Bonheur de se revoir ! il a retrouvé, dans sa chère caverne, les petits que Mumma lui a donnés, quatre fils et deux filles ;

Deux jeunes oursines bien léchées, blondes comme des filles de ministres protestants. Les garçons sont bruns ; le plus jeune, qui n’a qu’une oreille, est presque noir.

Celui-là était le Benjamin de sa mère. Un jour, en jouant, elle lui a mangé une oreille, mais par pure affection.

C’est un enfant plein de moyens, surtout pour la gymnastique. Il fait la culbute aussi bien que le professeur Massman à Berlin.