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Les cimes violettes de la montagne rient sur le fond d’or du soleil. À mi-côte, un village est perché fièrement comme un nid d’oiseau.

Quand j’y fus grimpé, je trouvai tous les vieux envolés. Il n’était resté que les enfants, la jeune couvée qui n’a point d’ailes encore ;

De jolis petits garçons, de gentilles fillettes presque masquées avec des capuchons de laine blanche ou écarlate, et jouant la comédie sur la grande place.

Mon arrivée ne troubla pas le jeu, et je pus voir l’amoureux prince des souris s’agenouiller pathétiquement devant la fille de l’empereur des chats.

Pauvre prince ! on le marie avec sa belle. Elle gronde, elle tempête, elle mord, elle mange son époux. La souris morte, le jeu est fini.

Je restai presque tout le jour avec les enfants. Nous causions avec une charmante confiance. Ils voulurent savoir qui j’étais et ce que je faisais.

« Chers petits, leur dis-je, mon pays natal s’appelle l’Allemagne ; il y a là des ours en quantité, et je suis un chasseur d’ours.

« J’en ai écorché vif plus d’un dans ce pays-là ; mais par-ci, par-là, j’ai reçu moi-même quelques coups de patte assez vigoureusement administrés.

« À la fin, je me lassai de me chamailler ainsi tous les jours avec des animaux aussi mal léchés, dans les forêts de ma patrie ;

« Et je suis venu ici chercher un meilleur gibier. Je veux mesurer mes forces avec le grand Atta Troll.

« Voilà un noble adversaire, digne de moi. Ah ! en Allemagne, j’ai livré plus d’un combat où je rougissais de la victoire ! »

Lorsque je me disposai au départ, les bonnes petites créatures dansèrent une ronde autour de moi, en chantant giroflé ! girofla !