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C’est ainsi que parla Atta Troll, avec une voix de basse faible et mystérieuse. Il se tut un instant, plein de tristesse. Mais soudain ses oreilles

Se dressèrent et tressaillirent étrangement. Il se leva de sa couche, tremblant de joie et hurlant de joie : « Enfants ! entendez-vous ces sons ?

« N’est-ce pas la douce voix de votre mère ? Oh ! je reconnais les grognements de ma chère Mumma ! Mumma ! ma noire Mumma ! »

Atta Troll, en disant ces mots, s’élança de la caverne comme un fou. L’insensé courait à sa perte !


24

Dans la vallée de Roncevaux, à la même place où jadis le neveu de Charlemagne rendit l’âme, Atta Troll tomba.

Il tomba victime d’une embûche, tout comme Roland, qui avait été trahi par Ganelon de Mayence, ce Judas de la chevalerie chrétienne.

Hélas ! ce fut ce qu’il y a de plus noble dans l’âme d’un ours, le sentiment de l’amour conjugal, qui fut le piège que Uraka lui tendit perfidement.

Elle sut imiter, à s’y méprendre, le grognement de la noire Mumma, si bien qu’Atta Troll dut quitter la retraite qui faisait son salut.

Porté comme sur les ailes de l’amour, il courut dans la vallée, s’arrêtant parfois pour flairer un rocher où il croyait que Mumma se cachait.

Ah ! c’était Lascaro qui y était caché, le fusil à la main. Il l’ajuste sur sa victime, et lui tire sa balle au milieu du cœur. Un torrent de sang s’en échappe.

Atta Troll branle la tête, puis s’abat avec un sourd gémissement, et se crispe. — Mumma ! fut son dernier soupir.