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mon trésor ? Bien à vous, monsieur le Pasteur, prenez place, je vous en prie ! Monsieur le Pasteur qui avez les pieds et la queue d’un cheval, je suis de Votre Révérence le très humble serviteur !

Ma chère petite fiancée, pourquoi es-tu toute muette et toute pâle ? Monsieur le Pasteur va procéder à l’instant à la cérémonie ; sans doute, je lui paie des honoraires plus chers que ma personne, mais pour te posséder, ce n’est pour moi qu’un jeu d’enfant.

Agenouille toi, douce petite fiancée, agenouille toi près de moi ; — Elle s’agenouille et se penche, ô délicieux bonheur ! elle se penche sur mon cœur, sur ma poitrine qui se gonfle, je la tiens embrassée en frémissant de désir.

Les flots de ses boucles blondes ondulent autour de nous ; contre mon cœur palpite le cœur de la jeune fille ; nos deux cœurs battent de plaisir et de peine et s’envolent au plus haut du ciel.

Nos deux petits cœurs voguent dans une mer de délices, là-haut, dans la sainte demeure de Dieu. Mais, sur nos têtes, l’enfer a mis sa main, comme l’horreur et l’incendie.

C’est le sombre fils de la nuit qui fait ici fonction de prêtre et qui bénit ; il marmonne les formules d’un livre sanglant ; sa prière est un blasphème, sa bénédiction est une imprécation.

Et cela croasse, et cela siffle et cela parle avec démence, comme le fracas des flots et le roulement du tonnerre ; puis tout-à-coup un feu bleuâtre déchire la nue : « In secula seculorum, Amen ! » s’exclame la sorcière.


8

Je revenais de chez ma maîtresse et cheminais en proie aux démences et aux folies de la nuit. Et lorsque je passai le long du cimetière, les tombes silencieuses me firent signe gravement.

Entre toutes, c’est la tombe du ménétrier qui m’appelle. Elle est toute inondée de lune. J’entends un chuchotement :