Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/36

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« Dans sa chaire pérorait le professeur. Et tandis que le professeur pérorait, moi, je dormais fort à mon aise. Mais j’aurais préféré mille fois être auprès de sa fille aussi douce que jolie.

« De sa fenêtre elle me faisait souvent de tendres signes, la fleur des fleurs, la lumière de ma vie ! Mais la fleur des fleurs fut à la fin cueillie par un dur philistin richard.

« J’envoyai au diable les femmes et les riches coquins, je mis de l’opium dans mon vin et je choquai mon verre avec la mort qui me dit : À ta santé ! Je m’appelle l’Ami Hein. »[1]

Et les spectres en chœur éclatèrent de rire. Un cinquième alors s’avança, la corde au cou :

« Le comte, quand il buvait, vantait sa fille et ses pierreries. Comte, que me font tes pierreries, je préfère infiniment ta fillette.

« Fillette et pierreries étaient précieusement verrouillées sous la garde d’une nombreuse valetaille. Mais que m’importaient valets, verrous et serrures ? Je grimpai hardiment l’échelle de corde.

« Je grimpai hardiment à la fenêtre de ma bien-aimée, quand j’entendis en bas un juron formidable : Ne te gêne pas, garçon ! je suis de la partie ; car moi aussi j’aime, les pierreries !

« Ainsi parlait en ricanant le comte, il me saisit et la valetaille me cerna en trépignant : Au diable, les canailles, criai-je. Je ne suis pas un voleur ; je ne voulais qu’enlever ma bien-aimée.

« Mais mes démonstrations restèrent inutiles. Vite un gibet fut dressé, et quand le soleil parut, quelle ne fut pas sa surprise de me trouver pendu ! »

Et les spectres en chœur éclatèrent de rire. Alors un sixième personnage s’avança portant sa tête entre ses mains :

« Pour dissiper mon chagrin d’amour, je me mis à chasser. Je battais le pays, le fusil à la main. Tout à coup sur un arbre

  1. Locution d’étudiant pour désigner la mort. (Note des éditeurs).