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Mon cœur est serré, mon regard se brouille, quand un autre s’amuse avec sa bonne amie. C’est que j’ai aussi une bonne amie, mais la mienne à moi est là-bas, là-bas.

Il y a des années que je porte ma peine, mais je ne puis plus longtemps la porter. Je bouclerai mon sac et prendrai mon bâton, et je m’en irai par le monde.

Et je marcherai des centaines d’heures jusqu’à ce que j’arrive à la grande ville : elle s’étale à l’estuaire d’un fleuve, avec trois tours orgueilleuses.

Là cessera bientôt mon chagrin d’amour, là le bonheur m’attend ; alors ma douce bien-aimée au bras, je me promènerai à mon tour sous les tilleuls qui sentent bon.


13

Quand je suis près de ma bien-aimée, mon cœur s’ouvre, je suis riche et le monde entier est à moi.

Mais quand il faut m’arracher à ses bras d’une blancheur de cygne, alors mon exaltation retombe et je suis pauvre comme un mendiant.


14

Je voudrais que mes lieder fussent de petites fleurs : je les enverrais, afin qu’elle les respire, à la bien-aimée de mon cœur.

Je voudrais que mes lieder fussent des baisers : je les enverrais tous en secret aux petites joues de ma bien-aimée.

Je voudrais que mes lieder fussent des petits pois : j’en cuirais une soupe exquise.


15

Dans le jardin de mon père fleurit, invisible, une fleurette triste et pâle ; l’hiver s’enfuit, le printemps s’agite, la pâle fleurette est toujours aussi pâle. La pâle fleur a l’air d’une fiancée maladive.