Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et dans la salle, se presse gaîment la foule en beaux atours ; tandis que vibrent les timbales et que les trompettes éclatent.

— « Mais pourquoi, ô ma belle femme, tournes-tu tes regards là-bas vers l’angle de la salle ? » Ainsi parle le chevalier étonné.

— « Ne vois-tu pas, Don Fernando, un homme en manteau noir là-bas ? »

Et le chevalier sourit aimablement : « C’est une ombre, dit-il, rien de plus. »

Cependant l’ombre se rapproche, et c’est bien un homme en manteau. Et, reconnaissant Ramiro, Clara, enflammée d’amour, le salue.

Et la danse commence. Les danseurs tournent joyeusement dans une valse emportée, et le parquet frémit et craque.

— « De tout cœur, Don Ramiro, j’accepte ton bras pour la danse ; mais tu n’aurais pas dû venir dans ce manteau couleur de nuit. »

Avec des yeux perçants et fixes, Ramiro contemple la belle et l’enlaçant, dit d’une voix sombre : « N’as-tu pas voulu que je vienne ? »

Le violent remous de la danse entraîne les deux danseurs, tandis que vibrent les timbales et que les trompettes éclatent.

— « Tes joues sont d’une blancheur de neige » chuchote Clara réprimant son trouble. « N’as-tu pas voulu que je vienne ? » réplique seulement Ramiro.

Dans la salle, les lustres clignotent sur la foule qui tourbillonne, tandis que vibrent les timbales et que les trompettes éclatent.

« Tes mains ont le froid de la glace ! » chuchote en un frisson Clara. « N’as-tu pas voulu que je vienne ? » Et ils s’éloignent en un remous.

« Laisse-moi, laisse-moi, Don Ramiro ! Ton souffle a l’odeur des cadavres ! » Et toujours la sombre réponse : « N’as-tu pas voulu que je vienne ? »