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AU CONSEILLER AULIQUE G. SARTORIUS,

À GŒTTINGUE[1]

L’attitude du corps est altière et dominatrice, mais on voit la bonté se jouer sur les lèvres ; l’œil éclate, les muscles frémissent, mais la parole coule avec placidité.

Tel tu es dans ta chaire, quand tu parles de l’administration publique, de la prudence des cabinets, de la vie des peuples, des divisions et de la reconstitution de l’Allemagne.

Jamais ton souvenir ne s’éteindra en moi ; en ces temps d’égoïsme et de vulgarité, une figure aussi magnanime nous réconforte.

Et ce que, cordialement paternel, tu me confias aux heures de l’intimité, je le garde, fidèlement, au plus profond de moi-même.


À J.-B. ROUSSEAU[2]

Ta pensée amicale entre dans ma poitrine et franchit le seuil obscur de mon cœur ; j’éprouve la fraîcheur d’un magique battement d’ailes, et les figures de la patrie me saluent.

Je revois le vieux Rhin qui coule ; montagnes et burgs se mirent en ses flots bleus ; les grappes d’or scintillent et les fleurs resplendissent sur les collines qu’escaladent les vendangeurs.

Oh ! je voudrais aller vers toi, ami fidèle, vers toi qui me restes attaché comme au mur en ruine s’agriffe le lierre vert !

Oh ! je voudrais aller vers toi et écouter tes vers en silence, tandis que chanterait le rouge-gorge et que les vagues du Rhin m’empliraient de leur doux murmure.

  1. Professeur d’histoire à l’Université de Gœttingue, dont Heine reçut les encouragements. (Note des éditeurs).
  2. Poète allemand de second ordre. Il finit, beaucoup plus tard, ses jours à l’hôpital. (Id.)