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Toute cette magnificence bigarrée nous séduit agréablement. Nous errons comme en une solitude légendaire, jusqu’à ce que l’amour et la lumière aient vaincu la haine et la nuit.

Maître, tu savais bien la force des contrastes et, dans nos temps neufs et mauvais, tu as restitué l’image de l’amour au bon vieux temps !


LA NUIT SUR LE DRACHENFELS[1]
À Fritz de B.

À minuit, le burg était déjà escaladé ; un feu de bois flambait au pied des murailles ; et tandis que les étudiants étaient accroupis à l’entour, on entonna le chant des saintes victoires allemandes.

Nous buvions des cruches de vin du Rhin à la santé de l’Allemagne. Nous voyions les esprits du burg aux aguets sur la tour. De noires ombres de chevaliers nous entouraient, des ombres de dames flottaient devant nous.

Des tours un gémissement profond s’élève. On entend un bruit de fers et de chaînes ; les chats-huants hululent, tandis que le vent du nord hurle avec frénésie.

Et voilà, mon ami, comme j’ai passé la nuit, sur le haut Drachenfels. Malheureusement, je suis rentré chez moi avec un bon rhume !


FEUlLLE D’ALBUM
À Fritz Steinmann[2]

Les méchants ont le dessus et les braves succombent ; on

  1. Le 18 Octobre 1819, les étudiants libéraux et patriotes de l’Université de Bonn, voulant célébrer l’anniversaire de la bataille de Leipzig, se livrèrent à une manifestation aux flambeaux sur la plus haute des sept montagnes qui entoure la ville, le Drachenfels. C’était la répétition en petit de la retentissante cérémonie qui, deux ans plus tôt, avait eu lieu à la Wartbourg. Heine y prit part, non sans un peu de scepticisme, semble-t-il, et fut même, pour ce fait, traduit, avec dix de ces camarades, devant l’aréopage académique. (Note des éditeurs).
  2. Camarade de Heine à Bonn. Il a laissé sur ses relations avec Heine un livre plein d’assertions inexactes et qu’il faut sans cesse contrôler. (Id.)