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Ma chère bien-aimée, nous nous étions tendrement assis ensemble dans une nacelle légère. La nuit était calme, et nous voguions sur une vaste nappe d’eau.

La mystérieuse île des esprits se dessinait vaguement aux lueurs du clair de lune ; là résonnaient des sons délicieux, là flottaient des danses nébuleuses.

Les sons devenaient de plus en plus suaves, la ronde tourbillonnait plus entraînante. Cependant, nous deux, nous voguions sans espoir sur la vaste mer.


44

Des légendes du vieux temps, une blanche main me fait signe : elles chantent un pays enchanté,

Où de grandes fleurs languissent dans l’or du crépuscule du soir et se regardent tendrement avec des yeux de fiancées ;

Où tous les arbres, comme un chœur, parlent et chantent ; où les sources, en jaillissant, font entendre des airs de danse ;

Où des hymnes d’amour s’élèvent comme tu n’en entendis jamais, jusqu’à ce qu’un désir très doux ait pris possession de toi.

Ah ! je voudrais aller là-bas ; là-bas mon cœur se réjouirait, et délivré de toute peine je serais libre et heureux !

Ah ! ce pays de volupté, je le vois bien souvent en songe ; mais dès que l’aurore se lève, il s’évanouit comme une fumée.


45

Je t’ai aimée, et je t’aime encore ! Et le monde s’écroulerait, que de ses ruines s’élanceraient encore les flammes de mon amour.


46

Par une brillante matinée, je me promenais dans le jardin.