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Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/142

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quand on a essayé de lire ses comédies.


Hamlet en opéra ! Si la nature des choses criait quand on lui fait violence, on eût entendu un cri s’échapper de quelque part. Pourquoi la pensée de mettre Hamlet en musique irrite-t-elle le sens commun ? Il n’est pas sans intérêt de le dire en quelques mots.

La musique est expansive, non par accident, mais par nature, et même par essence. Son essence est une expansion. À ce point de vue, elle présente avec les larmes une magnifique ressemblance. La musique est une expansion, un débordement, un transport. Elle participe de la flamme ; elle participe de l’encens, et son poids l’attire au ciel. Elle a pour caractère la lumière, et la joie pour patrie. Sa tristesse, qui est quelquefois immense, ne fait pas exception à cette dernière loi.

Les Psaumes de la pénitence peuvent se chanter, parce que la douleur qu’ils expriment se détache sur un immense fond de joie. Leur tristesse implore la joie, la pressent et la produit. Le Credo peut se chanter, parce qu’il n’est pas seulement l’exposé d’une doctrine : il raconte le sujet de la joie ; il proclame la Bonne Nouvelle comme étant une vérité.

Or qu’est-ce qu’Hamlet ? Hamlet, c’est l’effort de la concentration ; c’est le chef-d’œuvre de la tristesse qui, au lieu de se hâter vers la joie, se replie sur elle-même, lourde, terne,