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Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/143

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suffocante et dévorante. Hamlet, c’est le silence dans ce qu’il a de plus impitoyable ; c’est la dureté du cœur dans ce qu’elle a de plus invinciblement noir. C’est un charbon qui s’éteint, et qui ne veut pas devenir diamant. La parole elle-même abandonne Hamlet pour le livrer sans défense aux cruauté de sa rêverie.

Si cet homme sourd et à peu près muet répugne déjà à la parole, à quel degré sera-t-il incapable de la musique ?

On a dit quelquefois qu’Hamlet est essentiellement homme. On a calomnié l’homme.

Placé entre le ciel et l’enfer, l’homme, dans sa manifestation habituelle, a des ouvertures et des aspirations, des fraîcheurs et des lumières, des jeunesses et des espérances qui aident l’attraction supérieure, et que le poète anglais a durement refusées à son triste héros. Il l’a confiné dans les régions basses qui semblent profondes parce qu’elles sont étouffées. Hamlet est contraint dans le monde des vivants. Il n’est à l’aise qu’avec les morts. Ses aspirations le conduisent au milieu des tombeaux, non pour prier, mais pour rêver. Essayez par la pensée de le voir à genoux dans les cimetières qu’il affectionne ; vous essayerez en vain. On ne pourrait le voir que debout, dans l’attitude orgueilleuse d’une stérile interrogation. Cet homme questionne toujours, mais sa question froide reste et doit rester sans réponse. Si l’on pouvait concevoir Hamlet à genoux, on pourrait concevoir le