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Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/157

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chassés trouvent si peu de pitié pour leur corps ? »

Et ce regret du roi qui cesse d’être fou dès que sa pensée évite ses filles :

« Oh ! quand j’étais sur le trône, je ne pensais pas assez à ceux qui passaient les nuits sans asile, les nuits d’orage ! »

La bonté perce, la folie revient ; la raison reparaît, Régane et Gonérille vont et viennent dans la pensée du roi, et sa raison meurt, dès que ses filles paraissent. Le bouffon qui tient compagnie à son vieux maître, ajoute au concert des notes discordantes, qui deviennent déchirantes, dès que le roi répond.

Le Bouffon. — Mon oncle, dis-moi, je t’en prie, un fou est-il noble ou roturier ?

Lear. — C’est un roi, c’est un roi.

Le vieux roi fou se confond avec son fou.

Il ne sait plus de qui on lui parle. Il se souvient d’avoir été roi, et devine qu’il est maintenant fou. Il devine plutôt qu’il ne sait ; ce n’est pas une connaissance, c’est un soupçon, il a besoin d’intuition pour apercevoir sa folie.

« Voyons, dit le roi, voyons leur procès : qu’on amène les témoins. » Il se croit à l’audience, devant une assemblée de juges.

« Citez d’abord celle-ci, c’est Gonérille : j’affirme ici, par serment, devant cette honorable assemblée, qu’elle a chassé à coups de pied le pauvre roi son père…

« Tenez, en voici une autre dont les yeux hagards annoncent de quelle trempe est son