Aller au contenu

Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autre unité (car ce drame est un monstre à mille têtes), une certaine idée plane et règne, celle de l’horreur.

« Pauvres misérables, dit le vieux roi dans sa folie lucide, quelque part que vous soyez, qui endurez les coups redoublés de cet orage impitoyable, comment vos têtes sans abri, comment vos corps sans nourriture, couverts de haillons déchirés, se défendront-ils contre cette tempête horrible ! Oh ! je n’ai pas pris assez soin de vous, quand j’étais sur le trône ! »

Superbe repentir qui éclaire la démence et la déchire, sans la détruire, comme l’éclair entr’ouvre la nuit, sans rendre le jour ! Il y a des choses que le Roi Lear sait beaucoup mieux, depuis qu’il est fou.

Mais bientôt la fatigue vient. Pourquoi vient-elle ? Je l’ai déjà dit. C’est que l’azur manque au-dessus de la foudre. La profondeur des abîmes exige et appelle l’élévation des montagnes. Mais dans Shakspeare, l’élévation des montagnes ne répond pas à la profondeur immense des abîmes.

Le paysage n’a pas de ciel. Le dénouement, c’est la part de Dieu. C’est pourquoi le dénouement est inconnu à Shakspeare. Le dénouement, c’est le secret, c’est l’éclat, c’est la satisfaction, c’est la joie obligatoire du poète et du lecteur.

Mais Shakpeare veut un dénouement qui navre, et l’esprit qui le guide apparaît dans l’acte qui termine et couronne son œuvre.