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Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/163

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sont funestes. Shakspeare est et demeure l’homme des ténèbres.

En outre, et pour aggraver la situation du porte, il est très souvent faux, fade et froid, alambiqué, subtil et menteur, dans le domaine de l’humanité. Exemple : Roméo et Juliette.

Quelquefois aussi il est éloquent, ardent, magnifique dans l’ordre humain. Mille traits épars sont là pour l’attester. Il peut même se faire qu’il arrive à construire une œuvre humainement grande.

Exemple : Le Roi Lear.

Mais alors même, même alors, le rayon divin n’intervient jamais, et l’enfer réclame, à la fin de la pièce, sa proie.

Le Roi Lear ne déroge donc pas essentiellement et virtuellement aux habitudes de Shakspeare. Il est, dans l’ordre humain, un magnifique accident. Il montre jusqu’où pouvait aller l’homme qui s’est tant surpassé une fois dans sa vie. Mais il montre en même temps à quel point les habitudes infernales de la tristesse invincible et navrante dominaient le drame shakspearien, puisqu’elles réapparaissent même dans le Roi Lear et remplissent le cinquième acte.

Le Roi Lear confirme cette vérité générale : Shakspeare est ténébreux. Il la confirme même plus que les autres drames ; car il la montre présente, même dans l’occasion où elle pourrait le plus vraisemblablement faire défaut. Il faut être bien ténébreux pour le de-