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Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/164

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venir violemment, même quand on est porté par un sujet magnifique et par un génie profond vers les régions de la lumière. Il faut être bien étranger au monde supérieur pour ne pas y pénétrer, même le jour où l’on a vu Cordélia. Il faut être bien familier avec le monde inférieur, pour y retomber même le jour où l’on pourrait faire vivre et triompher Cordélia.

Mais la main habituée à tracer des caractères abjects, n’a pas pu faire vivre et triompher Cordélia. Shakspeare a caché Cordélia dans la mort, comme dans le seul refuge qu’il fût capable de préparer pour elle. Il était affaibli, énervé, diminué, dégradé par la misère habituelle de ses longues plaisanteries. L’homme qui peint le vice avec une horreur pleine, intègre et franche, peut bien, pour éveiller en nous le même sentiment, nous le présenter d’une certaine manière. Mais cette certaine manière sauvegarde toutes choses, cette certaine manière est le contraire d’une complaisance. Le poète qui flétrit vraiment, jette sur les tableaux qu’il déteste un regard rapide et austère. Sa pureté éclate dans sa sobriété. Shakspeare se complaît, se repose dans la plaisanterie douteuse, grossière. Chaque fois qu’il rencontre la boue, il s’y plonge, pour un bain. C’est une ficelle pour le succès. Il fait rire des gens ivres en leur montrant leur image.

L’art, au contraire, est sobre essentiellement, et austère par-dessus tout. Il n’emprun-