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Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/170

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aspirant à trouver quelque part la satisfaction de ses désirs, la cherche où elle n’est pas. La passion est une recherche égarée de l’infini. Le cœur humain veut ce qui n’a pas de bornes : l’horizon est son ennemi. Mais l’homme qui se sent infini en puissance, l’homme qui ne se trompe pas sur ses désirs, se trompe sur leur objet, il les arrête dans le fini qui ne peut pas les apaiser. Il cherche à se satisfaire dans ce qui est borné. Les passions humaines pèchent par défaut d’ambition.

Si elles se donnent beaucoup de mouvement, sans avancer à rien, c’est que l’homme qui se trompe de route, peut beaucoup marcher sans approcher du but qu’il veut atteindre, et dont il ignore la vraie place.

Depuis qu’elles existent, les passions ont le caractère de la maladie, qui est leur caractère propre : mais ce que je tiens à constater aujourd’hui, c’est la forme particulière qu’elles ont prises au dix-neuvième siècle. Elles ont surajouté à la maladie première, qui est essentielle à leur nature, une seconde maladie accidentelle qui caractérise notre époque. Jamais l’aspiration humaine ne fut plus puissante qu’aujourd’hui, mais rarement aussi elle fut plus égarée. Cette double nature de nos désirs leur a donné un caractère à part qui explique nos grandeurs et nos misères, notre vie, notre agitation, notre littérature.

Il y a deux cents ans, les passions humaines avaient l’air de se terminer à leur objet. Un homme désirait une chose : il avait véri-