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Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/172

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teur (je ne veux pas dire : le poète ; Molière est le contraire d’un poète), que l’auteur leur donne pour vis-à-vis ; ce sont des jeux, des parties, des contredanses, que ces amours-là. Dans nos drames et dans nos romans, les hommes sont tout près d’exécrer les femmes qu’ils adorent, parce qu’ils les voudraient infinies, parce qu’ils s’aperçoivent à chaque instant qu’elles ne le sont pas, et le poignard remplace l’éventail.

Le dix-neuvième siècle est affamé. Ceci est de première évidence. Il n’est pas nécessaire d’être très physionomiste pour s’en apercevoir. Jetez sur lui un coup d’œil, un seul, vous verrez qu’il a faim ; et si vous ne le voyez pas, renoncez à rien voir, car vous êtes aveugle. Il a faim ! Mais de quoi a-t-il faim ? De quoi voulez-vous qu’un siècle ait faim, sinon de l’éternel, sinon de l’infini ? Nous sommes travaillés par l’infini, nos pères aussi ; mais ils ne le sentaient pas autant. Pour nous, nous le sentons. Dieu appelle, appelle toujours ; mais sa voix se fait plus pressante sous l’aiguillon qui le presse. Notre siècle se cabre et se cabre en vain ; il lui est mauvais de résister, il ne résistera pas toujours. Pauvre et fier héritier de toutes les grandeurs et de toutes les misères humaines, il marche lourdement, chargé de gloires et de hontes, de temps en temps blasphème et de temps en temps adore. Adoration, blasphème, folie, amour, il porte toutes ces choses, il va loin dans toutes ces direc-