Aller au contenu

Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il est si bien trompeur qu’il est et demeure trompé.

L’envieux n’insulte pas toujours ; il y a même tel envieux qui n’insulte jamais ; mais il rabaisse ce qui est en haut. Il rabaisse en termes mesurés, et cette mesure même donne à son opinion quelque chose de probable. Il rabaisse sans violence, tout juste assez pour exclure l’admiration, pour l’égorger, si elle allait naître, non pas assez pour attirer sur lui-même des soupçons qui affaibliraient ses paroles.

L’envieux ne veut pas avoir l’air d’un ennemi violent qui déchire : son but serait manqué. Il veut avoir l’air d’un homme éclairé qui coupe court aux exagérations et qui rend aux choses leurs proportions vraies. Il dénigre prudemment, il ravale avec mesure. En face d’une supériorité éclatante, il ne refusera pas à l’homme supérieur toute espèce de mérite. Il lui accordera volontiers ceux qu’il pourra lui accorder, sans courir le danger de lui être utile. Il lui refusera tous ceux qui pourraient faire naître l’admiration ; car l’admiration est son ennemie personnelle. Il y a pourtant une circonstance où, à force de haïr, il feindra d’admirer. Ceci se produira dans le cas où, pour écarter l’admiration de celui qui la mérite, il essayera de la donner à celui qui ne la mérite pas. L’envieux a, comme tous les êtres, l’instinct de la conservation. Il sait où est le danger. Le danger est là où il y a quelque chose de supérieur, quelque chose d’ad-