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Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/197

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Vis-à-vis de celui qui mérite l’admiration, il a des airs de réserve et de prudence.

Dans le premier cas, là où il n’y a pas de danger, il a l’air de dire :

« Voyez quelle nature dévouée que la mienne ! Je ne me possède pas ! Je suis l’homme des sacrifices complets ! Je n’ai qu’un défaut, c’est de m’oublier. Pensez à mes intérêts, car moi je n’y pense pas. »

Dans le second cas, là où il y a du danger et où l’admiration pourrait devenir contagieuse, l’envieux, par son attitude, vous tient à peu prés ce langage :

« Sans doute M*** est mon ami ; mais je ne me laisse pas aveugler par l’amitié. Je veux bien reconnaître les qualités qu’il a. Mais je tiens à signaler celles qui lui manquent. Je n’entends pas devenir fanatique. Je n’entends pas devenir le serviteur d’un homme, sa chose, son instrument. J’entends garder vis-à-vis de lui et vis-à-vis de tous mon droit de jugement, ma liberté d’action pleine et entière. Je tiens surtout à la garder vis-à-vis de ceux qui peut-être ne seraient pas fâchés de me la prendre. »

Alors l’envieux insinue doucement que l’homme dont il est envieux est une espèce de Mahomet, qui voulait le prendre pour séide. Il a soin de mêler certains éloges insignifiants à des accusations formidables. Les éloges insignifiants déguisent la haine, sans la compromettre. Les accusations formidables passent à la faveur des éloges insignifiants.