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Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/212

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une situation qui l’oblige à choisir : Alceste entre sa mauvaise humeur et son amour ; Harpagon entre son avarice et son amour, etc. Le personnage de Molière est toujours vaincu par lui-même ; il se trahit au dernier moment, et il excite en nous le plaisir étrange, mais réel, que nous prenons à voir la nature humaine confondue.

La tragédie nous présente des passions ; la comédie, des caractères ; mais l’âme apparaît-elle dans Molière ? Jamais. Pourquoi donc ?

C’est que l’âme n’apparaît que quand l’homme, revenu par un retour sérieux au fond de lui-même, y trouve, avec ses passions, le souvenir de sa destinée. Il faut cette rentrée solennelle dans le domaine des choses durables pour que les profondeurs de l’âme humaine s’éclairent ; les passions sont comme l’écume à la surface de l’Océan ; mais il faut tenir en main une lumière inconnue aux tragédies et aux comédies pour plonger dans les profondeurs de l’homme et voir clair dans ses abîmes.

Il n’y a que les choses suprêmes qui touchent la racine de l’âme. Tant que son origine et sa fin dernière sont totalement absentes de son souvenir, tant que ces idées n’apparaissent ni pour être victorieuses, ni pour être vaincues, nous n’avons pas vu l’homme ; nous avons pu voir un caractère, car si la passion isolée est l’homme abstrait, le caractère est l’homme extérieur. La tragédie avait enlevé à l’homme toutes ses relations, même