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Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/246

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Alceste et La Harpe se trompent tous deux.

Alceste n’est pas plaisant le moins du monde. Personne n’est aussi loin que lui de la plaisanterie.

Mais il est par moment très comique. Il est comique parce qu’il essaye de concilier en lui des passions contradictoires, et parce que ses souffrances, qui raisonnent, au lieu de pleurer, ne connaissent ni leur nature ni leur vrai remède. S’il se bornait à gémir, Alceste ne serait pas comique. Il est comique, parce qu’il disserte.

Molière était doué, à un degré éminent, du sens comique. Il possédait le don de saisir les choses vaines dans leur vanité et de les montrer aux hommes bouffies de leur néant. Mais n’ayant dans l’intelligence aucune notion du vrai et dans l’âme aucune pureté, il n’indiqua jamais le remède du mal qu’il montrait. Le mal ne lui apparaissait jamais dans sa profondeur et dans son horreur, mais seulement dans son vide. Ce vide lui-même était insuffisant : ce n’était pas un abîme, c’était un trou. Et pour combler ce trou, Molière ne propose rien ! rien ! rien ! absolument rien ! Ainsi son ironie, au lieu de porter sur l’abus, sur le mal, sur la corruption, semble porter sur la nature intrinsèque des choses, et si l’on voulait conclure de lui quelque chose, la conclusion serait qu’il est ridicule de vivre. Il semble se moquer non seulement de la vie, telle que la vivent les hommes qui se trompent, mais de la vie en elle-même. On dirait que