Page:Helvétius - Œuvres complètes d’Helvétius, tome 13.djvu/35

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Préférer sottement la douleur au plaisir,
Et l’orgueil d’en médire au bonheur d’en jouir.
Mais, par leurs vains discours, comment donc, ô Sagesse,
Ont-ils pu si long-temps tromper Rome et la Grece ?
Ton esprit, reprit-elle, en est-il étonné ?
Chez des peuples altiers le stoïcisme est né.
Comme un être impassible il leur peignit son sage ;
Il portoit sur son front le masque du courage ;
Son maintien est farouche, austere, impérieux :
Hélas ! en faut-il tant pour fasciner les yeux ?
Vois pousser à l’excès sa feinte indifférence ;
Vois comme en tous les temps, séduit par l’apparence,
Et du joug de l’Erreur tardif à s’échapper,
L’imbécille univers est facile à tromper.
À ces mots je me trouve en une place immense
Qu’un peuple curieux remplit de sa présence.
Là s’éleve un bûcher où, la torche à la main,
Un fier mortel s’assied avec un front serein.
Sur ce bûcher funebre où ton œil me contemple,
Peuple, s’écrioit-il, apprends par mon exemple
Qu’un sage, en tout état, égal en tout aux dieux,
Est calme, indépendant, impassible comme eux ;
Rien ne peut l’émouvoir : la dévorante flamme
Qui pénetre son corps n’atteins point à son ame ;