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pœuf.

pays de tigres et de serpents, — et, quand l’air s’était brusquement éteint à travers l’obscurité chaude, il m’avait semblé qu’une chose indéfinie s’éteignait de même en moi, une chose très indéfinie, mais très poignante et très agréable.

Après la flûte, un instant après la flûte, une clarinette avait pris la parole. Ô clarinettes des aveugles ! Celle-ci joua des rondes bretonnes. Je les avais entendues, ces rondes, naguère, dans les pardons, autour de Brest ; mais ainsi extirpées d’un instrument vieillot, catarrheux, irascible, au milieu d’effluves immobilisés, sous ce climat dont l’acoustique ne leur convenait point, elles défaillaient et ne possédaient plus d’accent. La nuit était sonore ; dix bonnes minutes, la clarinette avait fiorituré de sa voix mal assise, tout au plaisir, elle, au contraire, de retrouver par cette nuit profondément bleue, étoilée, vibrante, le pays natal, ses ajoncs, ses clochers, ses rocs, son ciel terne, ses maisons et sa mer blafardes ; puis, comme mon père avait ri, disant : « La drôle de musique ! Mon Dieu, la drôle de musique ! » j’avais éclaté de rire à mon tour, d’un rire qui déjà me frétillait à l’intérieur du gosier. — Le flûtiste était Robert, notre cuisinier ; quant au joueur de clarinette, est-il nécessaire de le nommer ?… Brave Pœuf !

M’avait-il amusé, du reste, à la suite de cette pre-