Combien de temps je restai là, inerte, je ne me le rappelle plus ; mais, ce dont j’ai gardé bonne mémoire, c’est que, soudain, Pœuf me parut entrer dans ma chambre.
— Pœuf !… oh ! Pœuf ! murmurai-je.
Il se détachait sur un fond de lumière pâle ; et, couvert de sang, d’un sang qui lui tombait des cils, de la barbe et des épaules, son uniforme était méconnaissable.
— Va-t’en, Pœuf !
Il ne s’en alla point.
— Mais, Pœuf, tu me fais peur ! m’écriai-je alors.
Il tira sa baïonnette de son ceinturon et se précipita sur moi.
Je dus pousser un cri épouvantable.
— Eh bien, quoi ? Qu’est-ce qu’il y a donc ? demanda mon père.
Ma mère dit :
— Est-ce toi qui as crié comme ça, André ?
J’étais sur mon séant, baigné de sueur.
— Vite ! oui, venez, venez ! répondis-je.
Et j’éclatai en sanglots, en hoqueteux sanglots dont les heurts me broyaient la poitrine.
On accourut.
— Tu es malade ?… Qu’as-tu ?… Où souffres-tu ?
— Pœuf ! déclarai-je. Je viens de voir Pœuf… Il a voulu… me tuer… aussi.