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PŒUF

sous sa tunique, son shako et son sabre. On le déposa sur les tréteaux.

Ce diable de cercueil, avec son cadavre en piteux état, sur mes derrières, débuta par m’occasionner une sorte de fraîcheur nerveuse à une omoplate, à l’omoplate dont il était proche, — cela me gênait ; — il me travailla ensuite l’intellect, rien ne s’y formulait, mais je ne m’amusais plus ; — et, à fin de compte, je repensai à Pœuf. Autant je l’avais excusé la veille, dans les transports d’une récente surprise, autant il me parut soudain répulsif et brutal, comme balayé en moi par un vent d’impressions immédiates : « Je n’avais point rêvé !… Pœuf était en prison ; rien de plus vrai décidément !… Il avait tué l’homme couché là, sous le drap noir… Barrateau !… ce pauvre Barrateau… un excellent soldat !… un légionnaire ! — Fallait-il être assez canaille ! »

— Tu vas prier pour Pœuf, n’est-ce pas, mon chéri ? me dit ma mère.

J’ouvris la bouche et faillis répondre : » Oh ! non, par exemple ! » — mais quelque chose, une appréhension vague, m’en détourna.

Quittant la sacristie d’ailleurs, un vieux prêtre, à ce moment, cahin-caha, se dirigeait vers l’autel, et je fus distrait par les tignasses crépues et les soutanelles pourpres des deux enfants de chœur qui