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PŒUF

Il doit exister des jours où l’on s’éveille menteur, bête, mauvais ; car, au lieu d’avouer que j’avais versé d’innocentes larmes et que le malheur de Pœuf m’avait ému, je voulus faire l’original, l’esprit fort, et publiai :

— Oh ! moi, je ne suis pas sensible ; tout ça m’a été bien égal !

— Oh ! le vilain ! dit aussitôt Marie.

Mais, trop jeune pour supporter un rôle, j’avais rougi et m’étais déjà blâmé de ma fanfaronnade.

— Le vilain ! le vilain ! répéta Marie.

Et ce fut très penaud que j’essayai de me disculper en narrant la lugubre messe et le bout de funérailles auxquels j’avais assisté, le matin. J’en arrivai même à tellement bredouiller, surchauffé que j’étais par un débordement nerveux d’affection, par des remords, par la certitude d’être idiot, que des larmes me montèrent aux cils et m’interrompirent.

— Comment ! scanda Marie, — tu pleures ?

Je me tus pour ne pas éclater, la face douloureuse, avec un tremblement aux lèvres. Mais quand elle eut ajouté : « Voyons, ne pleure pas… il ne faut pas pleurer ! » — j’abandonnai tout respect humain.

— Mon pau… mon pau… mon pauvre Pœuf ! sanglotai-je, les bras sur les yeux.