Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/23

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veauté desplait autant aux doctes comme aux indoctes, j’ayme beaucoup mieux louer leur invention que de la suivre, pour ce que je ne fais pas imprimer mes œuvres en intentions qu’ils servent de cornets aux apoticaires[1]. »

Les tentatives que rappelle ainsi du Bellay furent en effet si peu encouragées, qu’elles passent inaperçues dans la bibliographie de cette époque. Or le public attend de nous l’œuvre de Henri IV dans la plus pure intégrité ; nous avons dû nous attacher à la reproduire avec les formes du temps, les seules qui ne la travestissent point.

Mais un parti restait à prendre pour les autographes. Henri IV s’était fait à son propre usage une orthographe de fantaisie, dont les bizarreries excessives, même pour son temps, deviennent parfois une sorte d’énigme. Nous avons remarqué souvent, en voyant quelqu’un lire une de ces lettres pour la première fois, que l’attention nécessaire à cet exercice de lecture, d’un genre tout nouveau, distrayait très-défavorablement du sens même du discours.

Pour ces lettres-là, pour celles dont nous n’avons eu que des copies défectueuses ou des textes imprimés récemment, nous avons suivi la marche qui nous était tracée par les originaux écrits avec le plus de soin. Il va sans dire que nous en avons admis les irrégularités. Du Bellay, renonçant à l’amélioration de l’orthographe comme à une entreprise impossible, a constaté avec sagacité un état de chose dont nous pouvons aujourd’hui rendre raison. Les règles qu’eût dictées alors l’écrivain le plus

  1. Œuvres de Joachim du Bellay. Paris, Frédéric Morel, 1574, in-8o, fol. 44 recto. Epistre au lecteur sur le poeme de l’Olive. Il dit ailleurs : « Cette nouvelle (mais legitime à mon jugement) façon d’escrire est si mal receue en beaucoup de lieux, que la nouveauté d’icelle eust peu rendre l’œuvre, non gueres de soy recommandable ; mal plaisant, voire contemptible aux lecteurs. » (Defense et illustration de la langue françoise, même volume, fol. 28 recto.)