Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/422

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garde, ont tué partye des habitans, violé femmes et filles, bruslé quelques maisons et sacagé la ville avec plus de cruauté qu’en temps de guerre. Monsr le mareschal de Biron a esté commys pour aller sur les lieux en faire la justice ; mais à sa venue les auteurs de la dicte surprise ont achevé de mener à Bordeaus, sur des gallios, le reste des depouilles, sans qu’il y en ayt encores aucun pris, que j’aye entendu. Et les murailles de la ville ont esté demantelées par le dict sieur mareschal, et les fossés comblés ; qui est punir les oppressés, au lieu des oppresseurs, et mal à propos entasser affliction sur affliction, en une calamité publique de la dicte ville, sur le reste des povres habitans, miserables et ruinés ; qui est les reduire à desespoir et augmenter tellement les deffiances à tous ceus de la Religion, qu’il sera malaisé de les oster, de nostre vye. Ce qui me faict vous supplyer tres humblement d’y vouloir pourvoir de bons remedes, et faire de plus en plus connoistre vostre droicte intention à la paix, dont j’ay partout donné tant d’assurances. L’impunité est une des principales causes des miseres de vos subjects ; si elle continue, les maux continueront et s’augmenteront. Depuis la conference[1], vous vous estes lié les mains de pouvoir donner grace et remission de tels actes. L’exemple fera beaucoup de profit. Les povres habitans sont tous ruinés ; il est besoin de les recompenser sur les biens de ceux qui, contre la foi publique, les ont ruinés, et remectre la ville en son premier estat. Je vous envoye les lettres qu’ils m’en ont escript, afin qu’il vous plaise voir la façon dont ils sont traictés, et quelle justice on leur faict. Ce qui m’ennuye le plus est que je prevoys que la paix ne s’establira poinct si ce faict demeure impuny, et que la deffiance continuera, et les villes ne seront remises en l’estat porté par l’edict. De quoy je n’ay voulu faillir de vous en avertir ; vous supplyant d’y avoir esgard et le prendre de bonne part, comme provenant de l’affection tres fidele et devotion que doit à vostre service

Vostre tres humble et tres obeissant subject et servyteur,


HENRY.
  1. La conférence de Fleix.