Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/677

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dicte ville a esté saisie, remplie de garnisons, et la plus grande part des habitans recerchez, poursuiviz et chassez de leurs maisons, contre l’edict et les promesses et conventions de monsr le mareschal de Matignon : qui sont toutes occasions de deffiances plus grandes, et des effects evidens par dessus tous aultres, que le bruit de la negotiation de Segur. Car, oultre ce qu’il n’a charge quelconque de dire ou defaire aulcune chose contre vostre Estat et l’obeissance que je doibs à Vostre Majesté, j’ay tousjours cru, Monseigneur, qu’estant né en mon royaume et pays souverain, et ayant le tiltre et droict par succession de mon dict royaume, qui est des plus anciens, et que j’ay perdu, ou plus des trois partz d’icelluy, pour le service de vostre couronne, je n’estois pas pourtant descheu du droict et pouvoir d’entretenir amitié et alliance comme les aultres roys et princes de la Chrestienté, pour le bien de mes affaires, et pour l’union des confessions de la religion dont je fais profession. Beaucoup de voz subjectz qui ne sont de ceste qualité n’en sont reprins, ou pour le moins ne cessent de traicter avec les estrangers ce que bon leur semble.

Quant à Tartas, je y suis passé comme en un lieu mien, sans contredict, avec la croye[1] et les fourriers, et n’y ay faict sinon ouvrir une tour, par le dedans de la ville, qui estoit sur une des portes, où on tenoit encore quelques gens contre l’edict. Il y a trois ou quatre hommes mortes-payes à la garde de mon chasteau de Tartas, suivant ce que je suis tenu de faire par les forz du pays ; et à ceste fin je prends droict du guetz. Pour le regard de mes subjects du Mont de Marsan, qui doibvent estre considerez comme estans d’aultres qualitez que les aultres, en ce qu’ilz respondent aux estats de—Bearn, payent seulement ce qui leur y est ordonné, et sont mesmes subjects à la foraine comme estrangers de la France, je pensois, Monseigneur, qu’attendu le reïteré commandement de Vostre Majesté, de me remettre en ma dicte maison et ville, la rebellion qu’ils m’avoient faicte,

  1. Ce qu’on écrirait aujourd’hui la craie. C’est avec la craie que les fourriers et maréchaux des logis des princes marquaient les maisons où leur suite devait prendre logement.