Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/720

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bien estrange que vous leur permettiez de courre le plat pays, comme je sçay qu’ils ont faict puis nagueres jusques auprés le Limoux, et qu’ils s’en sont retournés, les armes à descouvert. Tenez la main, je vous prye, que cela ne soit plus permis, pour les reproches qui s’en peuvent ensuivre, et prenez garde surtout qu’on ne travaille en façon quelconque ceulx qui vivent paisiblement en la ville de Brugairolles, en tant que mon service vous est recommandé. Et m’assurant que vous vous reglerez selon mon intention, je prieray Dieu vous avoir, Monsr de Marion, en sa saincte et digne garde. À Montauban, ce xxixe jour d’aoust 1584.

Vostre bien assuré amy,


HENRY.



[1584. — vers le mois de septembre[1].]

Cop. — B. R. Suppl. fr. Ms. 1009-3.

Imprimé. — Mémoires de Philippes de Mornay, seigneur du Plessis-Marly, etc. t. I, p. 401. Édition de 1624, in-4o.


[À MONSR DU PLESSIS.]

J’ay receu ce soir la lettre et le memoire que m’avés envoyé. J’eusse desiré que me l’eussiés apporté vous-mesmes. J’avois dict à monsr de Clervant que je voulois que vinssiés quant et mon train ; mais la Fon m’a dict que retourniés à Montaulban ; aussi vostre lettre ne parle pas comme homme qui veuille venir. Vous devriés estre plus affamé de me voir, sçachant comme je vous aime. Je ne me puis passer de vous, monsr de Clervant n’y estant. Venés-vous-en, je vous prie, aussi vuide de passion que vous estes plein de vertu. Je sçay que vous m’aimés, et qu’ayant parlé à moy, vous reconnoistrés des erreurs que tous avés faites, qui ne sont bien seantes ni aux uns ni aux autres[2]. Si je n’eusse

  1. L’auteur de la vie de Mornay place cette lettre quelque temps après la délivrance de Turenne et son retour, qui est du mois d’août.
  2. Tout en se montrant blessé, le prince tempère son reproche par le ton de la considération la plus honorable et la plus affectueuse. L’auteur de la vie de Mornay donne de cette lettre une explication peu admissible, en prétendant que le but en était de préparer du Plessis à reconnaître la suprématie de Turenne dans les fonctions qu’il remplissait à la cour de Navarre. Le véritable commentaire de cette lettre est dans ce passage de Mézeray au sujet des tentatives de Henri III auprès du roi de Navarre, après la mort du duc d’Alençon, « Il eust bien voulu ramener ce roy au sein de l’Église, avant que de le rappeler à la cour. Il luy envoya, pour cet effet, le duc d’Espernon, qui s’efforça de le persuader par des raisons d’interest, qui sont d’ordinaire les plus puissantes sur les princes : mais ses ministres et les consistoriaux l’en detournerent ; et peut-estre qu’il apprehenda que le Roy n’y procedast pas de bonne foy, et qu’on ne le tastast que pour le separer de ses vieux amys. Aussi le Plessis-Mornay, pour rassurer leurs eglises, que ceste conference avoit fort alarmées, la fit publier, au grand deplaisir du Roy et au desavantage mesme de son maistre. » (Abrégé chronol.)