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LETTRES MISSIVES


i et, à mon tres grand regret, je vois force gens qui se plaignent de cela, peu qui y veulent remedier. Or je me suis tousjours olliert à la i raison, et m’y oll’re encore. Que l’0n prenne les voyes accoustumées en telles choses. S’il y en a d’extraordinaires, que l’on en cherche ; et moy, et tous ceulx ide la Religion,' nous rangerons tousjours à ce que decernera ung concile libre. Cest le vray chemin ; c’est celuy seul que de tout temps on _a practiqué. Soubs celuy-là nous passerons condemnation. Mais de croire qu’à coups d’espée cela se puisse obtenir de nous, j'estime devant Dieu que c’est une chose impossible. Et de taict, Yevenement le monstre bien. ‘ Il ne fault pas que je sois long sur ce propos, car c’est une _ma- tiere dés—jà disputée. On m’a souvent sommé de changer de Religion. Mais comment? la dague à la gorge. Quand je n’eusse poinct eu de respect à ma conscience, celuy de mon honneur m’en eusfempesché, par maniere de dire. Qui ouïtjamais parler que llon voulustituer ung Turc, ung payen naturel ; le tuer, dis-je, pour sa Religion, devant que d’essayer de le convertir? Encore estimay-je que le plus grand de mes ennemis ne me pense pas plus esloigné de la crainte et de la cognoissance de Dieu, qu’un Turc ; et cependant on est plus severe contre moy que l.°on ne seroit contre ce barbare. — _ Que diroient de moy les plus allectionnez à la Religion catholique, 'si, aprés avoir vecu jusqu’à trente ans d’une sorte, ils me voyoient su- bitement changer ma Religion, soubs Yesperance d’ung royaume? Que diroient ceulx qui m’ont veu et esprouvé courageux, si, honteusement, je quittois, par la peur, la façon de laquelle _i'ay servi Dieu dés le jour ` O de_ ma naissance? Voilà des raisons qui touchent llhonneur du monde. Mais, au fond, quelle conscience? Avoir esté nourri, instruict et es- levé en une profession de foy ; et, sans ouïr et sans parler, tout d’un coup, se jeter de l’aultre costéP Non, Messieurs, ce neserajamais le Roy de Navarre, y_eust—il trente couronnes à gagner.Tant s’en fault qu’il luy en prenne envie, pour l'esperance d’une seule. Instruisés- . moy, je ne suis poinct opiniastre. Prenés le chemin d’instruire, vous y protiterés inüniment. Car si vous me monstres une aultre verité