patrie, tant de fois prevu etprotesté dés le commencement des der-
nieres guerres civiles, contre les maulx dont elles ont rempli cest Estat :
mes prevoyances ont esté aussy veritables comme mes protestations
inutiles jusques icy, a mon tres grand regret, Dieu ayant envoyé sa
verge de division sur ce pauvre Royaume. Je ne me lasseray neant—
` moings jamais de bien faire chez moy ; mon pays manquera plus tost
de devoir envers ce citoyen, que le citoyen envers son pays. Et tant
que je verray ce malade respirer, je ne Yabandonneray jamais, qu’il
ne soit entierement guary, ou moy mort avec luy.
Ce que j'ay laict en general je le feray encore en particulier partout
ou j’en auray le moyen ; et suis bien aise que nfapprochant de vous,
devant que les armes fassent leurs eilects, je puisse essayer ce que la
i raison et la doulceur gagneront parmy vos esprits qui, quelque fureur,
quelque contagion que Dieu vous ait envoyée, sont encore françois, e
m'en asseure, et—de la race de ceulx qui assisterent Charles septiesme,
refugié à Bourges, contre `l’Angleterre, contre la Bourgogne, la
Guyenne, la Normandie, la Bretagne et quasi toute la France bandée
contre luy. Je ne me puis jamais assez estonner ou vous avez mis vostre
raison, pour quitter ce beau titre de vos ancestres ; je ne sçay quel peut
estre le subject si grand et si important qui vous ait faict a si bon mar-
ché abandonner vostre lidelité, le serment qu’à vostre naissance chas-
cun de vous a juré à son pays, le vœu que vous avés reiteré au couron-
nement de tant de roys,' et duquel ; dés—ja tant d’années, vous vous
estes obligés sous celui—cy que Dieu nous a donné à ceste heure. Je
. ne puis penser qui vous peut imprimer que la condition esclave des
Espagnols soit plus doulce que la liberté de la France ; que les croix
de Lorraine, de Bourgogne, gouvernent mieulx un Estat que les au-
ciennes et heureuses fleurs de lys, que toute la Chrestienté revere :
somme, que la qualité d’estre estimé traistre, rebelle à son magis-
trat ; à son prince, mespriser ses commandemens, violer sa majesté,
` soit meilleure et plus honorable que celle d’un bon citoyen, d’un fidel
subject. _. '
Il me sieroit mal, à moy qui ay porté les armes pour la liberté de
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LETTRES MISSIVES