Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/43

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À part cela ces traités pourraient être assez complets et ils enseigneraient une foule de lois, beaucoup plus simples même que les nôtres.

Imaginons maintenant que ce monde se refroidisse lentement par rayonnement ; la température y restera partout uniforme, mais elle diminuera avec le temps. Je suppose qu’un de ses habitants tombe en léthargie et se réveille au bout de quelques siècles ; nous admettrons, puisque nous avons déjà supposé tant de choses, qu’il puisse vivre dans un monde plus froid et qu’il ait conservé le souvenir des choses d’autrefois. Il verra que ses descendants font encore des traités de physique, qu’ils continuent à ne pas parler de thermométrie, mais que les lois qu’ils enseignent sont très différentes de celles qu’il a connues. Par exemple on lui a appris que l’eau bout sous une pression de 10 millimètres de mercure, et les nouveaux physiciens observeront que pour la faire bouillir il faut abaisser la pression jusqu’à 5 millimètres. Tel corps qu’il a connu autrefois liquide ne se présentera plus qu’à l’état solide et ainsi de suite. Les relations mutuelles des diverses parties de l’univers dépendent toutes de la température et dès qu’elle change, tout est bouleversé.

Eh bien, savons-nous s’il n’y a pas quelque entité physique, aussi inconnue pour nous que la température l’était pour les habitants de ce monde de