Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/49

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de cet arc qu’une connaissance imparfaite et il peut se tromper sur cette équation : s’il cherche à prolonger la courbe, le trait qu’il tracera s’écartera de la courbe réelle d’autant plus que l’arc connu sera moins étendu, et qu’on voudra pousser plus loin le prolongement de cet arc. Un autre observateur ne connaîtra qu’un autre arc et ne le connaîtra non plus qu’imparfaitement.

Pour peu que les deux travailleurs soient loin l’un de l’autre, ces deux prolongements qu’ils traceront ne se raccorderont pas ; mais cela ne prouve pas qu’un observateur à la vue plus longue, qui apercevrait directement une plus grande longueur de courbe, de façon à embrasser à la fois ces deux arcs, ne serait pas en état d’écrire une équation plus exacte et qui concilierait leurs formules divergentes ; et même, quelque capricieuse que soit la courbe réelle, il y aura toujours une courbe analytique, qui sur une longueur aussi grande qu’on voudra, s’en écartera aussi peu qu’on voudra.

Sans doute bien des lecteurs seront choqués de voir qu’à tout instant je semble remplacer le monde par un système de symboles simples. Ce n’est pas simplement par habitude professionnelle de mathématicien ; la nature de mon sujet m’imposait absolument cette attitude. Le monde bergsonien n’a pas de lois ; ce qui peut en avoir, c’est