temps où Chintreuil, les pieds dans l’humidité,
peignait au bord de la Bièvre, ces délicats
matins tout noyés de brunies et emperlés de
rosée. Au fond de son bissac s’ennuyait un
morceau de pain solitaire qu’il dévorait, à
midi, à l’ombre d’un buisson, en cueillant pour
dessert les mûres de la haie. Car nul peintre
n’a acheté, au prix de plus dures privations,
la liberté de peindre comme il sentait, sans
souci de la vente et du succès. Nul n’a payé,
par des renoncements plus héroïques, la tardive
célébrité qui fleurit aujourd’hui sur une
tombe.
Chintreuil n’avait pas l’insoucieuse humeur du bohème qui endort sa conscience en faisant « des mots ». D’une honnête sévère, il s’effrayait à la seule pensée d’avoir des dettes, et plutôt que de s’y résoudre, il préférait réduire sa vie à un minimum de besoins vraiment phénoménal.
Ordonné dans son dénûment, il avait inventé, pour son usage, une cuisine fantaisiste d’où le beurre était totalement exclu, et dont les herbes et les racines constituaient l’élément fondamental. Il avait, à Igny, la jouissance d’un petit jardin où verdoyait, sous sa fenêtre, un