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de l’abbaye de pontigny.

four du seigneur, de porter la vendange à son pressoir, de moudre à son moulin, toutes les gênes enfin et toutes les vexations de la banalité. Hommage à la sublime influence du christianisme qui a humanisé notre patrie, et affranchi nos pères des entraves dans lesquelles nous gémirions encore sans la puissance de la croix ! Il y avait alors une lutte profonde, entre les dépositaires des lumières antiques et les maîtres du pouvoir territorial. Notre civilisation adoucie ne devait pas tarder à se lever, mais il fallait vaincre auparavant la violence féodale avec toutes ses inégalités et ses aspérités barbares.

Les serfs étaient traités bien différemment par les maîtres séculiers que par les moines. Voici comme en parle Pierre-le-Vénérable, abbé de Cluny, mort au milieu du douzième siècle : « Tout le monde sait de quelle manière les maîtres séculiers traitent leurs serfs et leurs serviteurs. Ils ne se contentent pas du service usuel qui leur est dû ; mais ils revendiquent, sans miséricorde, les biens et les personnes. De là, outre le cens accoutumé, ils les surchargent de services innombrables, de charges insupportables et graves, trois ou quatre fois par an, et toutes les fois qu’ils le veulent. Aussi, voit on les gens de la campagne abandonner le sol, et fuir en d’autres lieux. Mais, chose plus affreuse ! ne vont-ils pas jusqu’à vendre, pour de l’argent, pour un vil métal, les hommes que Dieu a rachetés au prix de son sang ? Les moines, au contraire, quand ils ont des possessions, agissent bien autrement : ils n’exigent des colons que les choses dues et légitimes ; ils ne réclament leurs services que pour les nécessités de leur